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La fibromyalgie : un peu d’histoire

On entend parfois parler de fibromyalgie comme d’un “diagnostic à la mode” ou d’une “nouvelle maladie”, mais la vérité est toute autre. La fibromyalgie (aussi connue sous le nom de fibromalgie) est loin d’être une nouveauté ! Cette pathologie devenue courante a, en réalité, des siècles d’histoire et de multiples changements d’appellations et de théories.

Bien que le corps médical ne l’ait toujours pas unanimement acceptée, la fibromyalgie a déjà parcouru un long chemin. Et les recherches actuelles continuent de prouver qu’il s’agit d’une maladie physiologique bien réelle.

Le récit historique le plus fréquemment cité sur la fibromyalgie provient d’un article publié en 2004. Les auteurs en sont les chercheurs Fatma Inanici et Muhammad B. Yunus. Leurs propres travaux, assortis de nouvelles informations récoltées au fil des dernières décennies, sont à l’origine de cet ouvrage.

La fibromyalgie existe donc en réalité depuis des siècles. D’ailleurs, nombre de nos arrière-grands-mères ayant souffert symptômes de la fibromyalgie ont probablement reçu le diagnostic du rhumatisme.

Fibromyalgie

C’est lors d’une conférence en 1904 donnée par Sir William Gowers concernant le Lumbago – « Its Lessons and Analogues » -, aux médecins du National Hospital de Londres, que la pathologie fut évoquée pour la première fois.

De la fibrositis à la fibromyalgie

Fibro itis

Le Dr Gowers a évoqué le terme “fibrositis” en référence aux symptômes du « rhumatisme » des « tissus mous ». Le mot fibrositis faisait alors allusion à la présence d’une inflammation conduisant à l’expérience douloureuse du patient. Médicalement, “fibro” signifie tissu conjonctif et “itis” inflammation.

Peu de temps après, un autre chercheur publia une nouvelle étude. Celle-ci tendait à confirmer bon nombre des théories précédentes sur les mécanismes de l’inflammation dans la maladie. Cela a aidé à cimenter le terme fibrositis dans la langue vernaculaire.

Dans les années 1930, l’intérêt pour les douleurs musculaires liées aux points sensibles et aux points de déclenchement s’est accru. Des graphiques ont ainsi vu le jour tandis que les injections locales d’anesthésique, à effets secondaires notoires, ont continué d’être l’un des traitements suggérés.

La fibrositis n’était pas un diagnostic rare à l’époque. Un article publié en 1936 indiquait que la fibrositis était la forme la plus courante de rhumatisme chronique sévère. Il a également été déclaré qu’en Grande-Bretagne, le trouble représentait 60% des cas d’assurance contre les maladies rhumatismales.

C’est toujours à cette époque que le concept de douleur musculaire référée a été prouvé par la recherche. Une étude sur les voies de la douleur a fait état d’une douleur profonde et d’une hyperalgie (une réponse douloureuse accrue). Parallèlement, la science a commencé à suspecter un éventuel dysfonctionnement du système nerveux.

En outre, un article sur les points trigger et la douleur référée a conduit au terme “syndromes douloureux myofasciaux” pour traduire la douleur localisée. En outre, les chercheurs ont suggéré que la douleur généralisée de fibrositis pouvait correspondre à une personne ayant plusieurs cas de syndrome de douleur myofasciale.

Fibrosite

La Seconde Guerre mondiale a suscité un regain d’intérêt lorsque les médecins se sont rendu compte que les soldats étaient particulièrement susceptibles d’être atteints de fibrosite. Ceci en raison du fait qu’ils ne présentaient pas de signes d’inflammation ni de dégénérescence physique et que les symptômes semblaient liés au stress et à la dépression. Les chercheurs l’ont alors qualifié de “rhumatisme psychogène”. Une étude de 1937 a suggéré que la fibrositis était un “état psychonévrotique chronique”. Ainsi, est né le débat toujours en cours entre physique et psychologique.

Au fur et à mesure que la science avançait, il est devenu évident que le type d’inflammation propre aux maladies arthritiques n’est pas présent dans la fibromyalgie.

La première description de la pathologie semblable à ce que nous reconnaissons aujourd’hui comme fibromyalgie remonte à 1968. L’article du chercheur Eugene F. Traut mentionna alors :

  • prédominance féminine
  • douleur et raideur généralisées
  • épuisement
  • maux de tête
  • colite
  • troubles du sommeil
  • anxiété
  • lien important entre le corps et l’esprit

En plus de la douleur généralisée, Traut a reconnu certaines douleurs régionales comme récurrentes, y compris ce que nous appelons aujourd’hui le syndrome du canal carpien. Le chercheur a mentionné “les différents niveaux de l’axe de la colonne vertébrale” : douleur autour du squelette axial (os de la tête, de la gorge, de la poitrine et de la colonne) et dans les quatre quadrants de l’organisme.

Cependant, quatre années plus tard, le chercheur Hugh A. Smythe a rédigé un chapitre d’un manuel concernant la fibromyalgie. Cet écrit a généré une grande influence sur les études futures. A tel point que Smythe fut appelé le ” grand-père de la fibromyalgie moderne “. On pense qu’il a été le premier à la décrire exclusivement comme une affection à part entière, la distinguant ainsi du syndrome de la douleur myfasciale.

Smythe ne s’est pas contenté d’évoquer les troubles du sommeil dans sa description. Il a également fourni des résultats non publiés d’électroencéphalogrammes (étude du sommeil) qui ont démontré un dysfonctionnement du sommeil de stade 3 et 4 chez les patients fibromyalgiques. De plus, il a déclaré que le sommeil non réparateur, les traumatismes et la détresse émotionnelle engendraient un cercle vicieux menant à une aggravation des symptômes.

Des recherches subséquentes ont confirmé des anomalies du sommeil et ont attesté que le manque de sommeil pouvait entraîner des symptômes semblables à ceux de la fibromyalgie chez les personnes non fibromyalgiques.

Smythe a ensuite participé à une étude qui a permis de mieux définir les points sensibles pour affiner le diagnostic. Il fut mentionné la douleur chronique, les troubles du sommeil, la raideur matinale et la fatigue comme symptômes pouvant aider à diagnostiquer l’affection.

Syndrome de la fibromyalgie

Puis, ce n’est qu’en 1976 que le syndrome de la fibromyalgie a été adopté comme nouveau titre pour cette maladie très ancienne, le ” itis “. Le principe de syndrome a été ajouté à la fibromyalgie afin de regrouper les différents symptômes de la pathologie en un seul trouble, perceptible par les professionnels de santé.

Bien que les chercheurs aient, à ce stade, effectué de nombreux progrès, les preuves d’inflammations n’ont toujours pas été démontrées. Pour rappel, il s’agit du fameux “itis” dans le terme fibrositis.

Néanmoins, de nombreuses questions demeuraient. Les principaux symptômes restaient vagues autant que fréquents. Puis, une étude séminale dirigée par Muhammed Yunus est sortie en 1981. celle-ci a confirmé que la douleur, la fatigue et le manque de sommeil étaient significativement plus fréquents chez les personnes atteintes de fibromyalgie que chez les sujets témoins sains. De même que le nombre de points sensibles était drastiquement plus élevé au même titre que les nombreux symptômes. Ces symptômes associés comprenaient :

  • paresthésie,
  • chevauchement d’affections telles que le syndrome du côlon irritable (SCI), les céphalées de tension et les migraines.

Cet article a établi un groupe de symptômes suffisamment cohérent pour désigner officiellement la fibromyalgie en tant que syndrome ainsi que les premiers critères prouvés pour différencier les personnes atteintes de fibromyalgie des autres.
De nombreuses recherches ont depuis confirmé que ces symptômes et le chevauchement de conditions bien spécifiques sont en fait associés à la fibromyalgie.

La fibromyalgie à l’époque moderne

Yunus a ensuite dirigé des recherches qui ont permis de cimenter l’idée de plusieurs affections associées, y compris la dysménorrhée primaire (douleurs menstruelles), les céphalées de tension et la migraine. Il pensait alors que la caractéristique unificatrice était les spasmes musculaires. Cette suggestion allait plus tard céder la place à la théorie d’un dysfonctionnement du système nerveux central.

Depuis ce temps, un nombre considérable de recherches ont été publiées au rythme des avancées effectuées. Nous n’avons toujours pas toutes les réponses, mais nous avons acquis une bien meilleure compréhension du fonctionnement de la maladie.
Parmi les avancées importantes :

  • 1984 – Publication de la première étude relatant la prévalence plus élevée de la fibromyalgie chez les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde,
  • 1985 – Publication de la première étude contrôlée sur la fibromyalgie juvénile,
  • 1990 – L’American College of Rheumatology établit des critères diagnostiques officiels de douleur et de sensibilité généralisées dans au moins 11 des 18 points sensibles spécifiques, normalisant ainsi les critères d’inclusion de la recherche dans le monde entier,
  • 1991 – Questionnaire sur l’impact de la fibromyalgie,
  • 1992 – Découverte de faibles taux d’hormones de croissance,
  • 1993 – Démonstration d’une sensibilité centrale et des anomalies de l’axe HHS (régulation du stress),
  • 1994 – Confirmation d’une élévation de la substance P (messager de la douleur) dans le liquide céphalorachidien,
  • 1995 – Première TEMP (imagerie cérébrale) montrant des schémas anormaux de la circulation sanguine dans le cerveau,
  • 1999 – Première étude démontrant la composante génétique,
  • 2000 – Révision des données probantes : le terme syndrome de sensibilisation centrale,
  • 2005 – L’American Pain Society publie ses premières lignes directrices pour le traitement de la douleur fibromyalgique,
  • 2010 – L’American College of Rheumatology publie d’autres critères de diagnostic de la fibromyalgie au moyen de questionnaires,

La recherche a continué à étayer ces résultats et à suggérer de nouveaux facteurs et mécanismes de causalité possibles. Voici quelques pistes d’enquête en cours :

  • Inflammation du fascia : certaines recherches tendent sur le fait que la douleur généralisée de la fibromyalgie peut effectivement être inflammatoire. Cette inflammation aurait lieu dans le tissu conjonctif extrêmement mince, appelé fascia,
  • Nerfs supplémentaires sur les vaisseaux sanguins : une étude très médiatisée montre des nerfs sensibles à la température et à la douleur dans le système circulatoire,
  • Neuropathie des petites fibres : de nouvelles recherches attestent que certains nerfs peuvent être endommagés,
  • Anomalies du système immunitaire : certains axes de recherche montrent une activité anormale du système immunitaire qui peut suggérer une activation chronique du système immunitaire ou une auto-immunité, ou une réaction auto-immune possible à la sérotonine.

Plusieurs chercheurs travaillent également à l’établissement de sous-groupes de la fibromyalgie, dans l’hypothèse où ces différentes catégories seraient la clé pour cerner les mécanismes sous-jacents et les meilleurs traitements.

À la fin des années 1990, le syndrome de fibromyalgie s’est transformé en fibromyalgie lorsque la recherche a commencé à mettre en lumière davantage de preuves scientifiques. La fibromyalgie est enfin devenue une entité distincte. A ce jour, bien que le terme fibromyalgie soit devenu un terme médical familier, il continue de déconcerter la communauté professionnelle ainsi que les personnes touchées, et ce dans leur vie quotidienne. En effet, la fibromyalgie a un impact lourd sur la vie professionnelle des personnes atteintes.

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